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Le vocabulaire utilisé est emprunté à la mécanique... Cela n'est pas étonnant car la mécanique est la science qui étudie le mouvement des corps. Par conséquent, c'est l'outil le mieux adapté à la description rigoureuse du mouvement du danseur.
Mais, que le lecteur se rassure. Il n'est pas nécessaire de posséder une maîtrise poussée de cet outil qu'est la mécanique pour assimiler ce texte. Nous définirons quatre ou cinq notions de base. Ces quelques notions de base nous permettront de construire un modèle simple du danseur. Ce modèle est suffisant pour décrire (et justifier) le mouvement du danseur.
La démarche universitaire qui consiste à "se précipiter" sur les équations mathématiques pour décrire un phénomène est ridicule. C'est incroyable à quel point l'enseignement des sciences tue la science. Dans l'esprit des gens, la science se réduit à des équations mathématiques compliquées. C'est absurde. La démarche scientifique est avant tout une démarche d'observation et de modélisation. Les équations mathématiques compliquées n'apparaissent qu'en dernier. C'est la "cerise sur le gâteau". Le modèle mathématique n'est qu'une traduction du modèle physique. Il est impossible de traduire du français vers l'anglais si l'on a pas le texte en français. Cela semble évident. De même, on ne peut pas traduire en équation un modèle physique si l'on a pas déjà le modèle physique! C'est évident. Mais, cela ne semble pas évident pour les personnes responsables de l'enseignement en France! Résultat, les cours de physique ressemblent à des cours de mathématiques. On se précipite, comme des cons, sur les équations mathématiques. Conséquence : La plupart des gens s'imaginent, à cause des crétins qui définissent les méthodes d'enseignement de la physique en France, que la physique se réduit à des équations mathématiques compliquées.
Je vous rassure, il n'y a pas une seule équation mathématique dans le texte qui suit.
Le transfert de poids est essentiel. Nous verrons pourquoi lorsque nous aborderons le pivot. Or il est navrant de constater que les écoles de danse ne détaillent pas ce point, pourtant fondamental. On vous dit que vous devez effectuer votre pas de base en transférant votre poids d'un pied sur l'autre. C'est tout. Mais on ne vous dit pas pourquoi, et on ne vous explique pas précisément comment il faut faire.
La maîtrise du transfert de poids est indispensable pour effectuer un pivot.
Nous n'allons pas entrer dans des démonstrations théoriques compliquées.
Les personnes intéressées peuvent se reporter aux ouvrages traitant des bases de la mécanique (niveau DEUG).
Ces aspects théoriques sont aussi abordés dans les cours suivis par les professeurs d'éducation physique diplômés.
Cliquer sur ce lien pour avoir un bon aperçu des notions fondamentales de physique enseignées aux professeurs d'EPS.
La description qui suit repose sur deux points de mécanique :
La théorie est très simple, comme vous pouvez le constater. En pratique, la difficulté est de positionner correctement son bassin et ses épaules de façon à ce que son centre de gravité soit à la verticale du pied d'appuis. Et il faut conserver cette position relative pendant le pivot.
Certaines personnes y parviennent d'instinct. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Et la majorité d'entre nous éprouvons des difficultés. La cause de cette difficulté est liée à une proprioception insuffisante. Quoiqu'il en soit, le sens de l'équilibre se développe. Il ne faut pas espérer obtenir la précision d'une personne ayant pratiqué la gymnastique ou la danse depuis son enfance. Mais on peut cependant obtenir des résultats très honorables et plus que suffisants.
Isolation motrice
J'ai imaginé le concept d'isolation motrice en observant certains danseurs. La constatation est la suivante : Certains danseurs sont visiblement crispés, raides, tendus, rigides. Cette raideur générale s'observe, par exemple, dans les situations suivantes :
Comme nous venons de le voir :
Chez les personnes raides que nous observons, que se passe-t-il? Les unités motrices ne jouent pas leur rôle correctement. Les muscles se contractent tous en même temps. Par exemple : lors du pivot, le cou se bloque, le bassin se bloque ainsi que les bras. C'est comme si la contraction de certains muscles entraînait la contraction (nuisible) des autres muscles. C'est pourquoi j'ai introduit le concept "d'isolation motrice".
Pour mastiquer, vous sollicitez les muscles de votre mâchoire. Personne ne s'amuse à contracter les muscles de ses pieds pour mastiquer! Ce serait stupide. Il y a isolation entre la mâchoire et le pied. Pour le pivot libre (ce n'est qu'un exemple), c'est le même principe qui s'applique. Et pourtant, de nombreuses personnes contractent des muscles qui ne devraient pas être contractés. Coordination motrice Attention, les unités motrices ne travaillent pas indépendamment les unes des autres! Il y a bien entendu une coordination entre les unités. Lors du pivot, par exemple, les actions de chaque unité motrice s'enchaînent dans un ordre précis. Et les positions relatives entre les différentes uitées ne sont pas déterminées au hasard. Lors du pivot, par exemple, le centre du bassin doit se trouver à l'aplomb du pied d'appui. Généralisation
Nous pouvons généraliser le concept "d'unité motrice" aux acteurs que sont le danseur et la danseuse. Nous emploierons dans ce cas les termes d'autonomie et de coopération. L'autonomie est à l'individu ce que l'isolation est à la partie du corps. La coopération est au couple de danseurs, ce que la coordination est aux différentes parties du corps.
C'est le danseur qui indique à la danseuse que celle-ci doit exécuter un pivot. Mais, c'est la danseuse qui exécute le pivot. Remarquez que le danseur doit positionner sa main de façon correcte (à l'aplomb du pied d'appuie de la danseuse) pour que cette dernière puisse réaliser son pivot dans de bonnes conditions.
Un exemple de coopération important est la gestion du lien entre la danseuse et le danseur. Comme l'illustre l'animation ci-dessous, le lien entre les danseurs peut être modélisé par un ressort.
L'élasticité du lien entre le danseur et la danseuse résulte d'une collaboration entre les deux acteurs. La danseuse réagit à la traction exercée par le danseur sur son bras. Le danseur réagit à son tour à la réaction de la danseuse... Chacun des acteurs ajustent en permanence la tension de son bras en fonction des réactions de l'autre.
Pour expliquer la raideur générale observée chez ces danseurs, la médecine fait appel au concept de compensation. Le texte qui suit est extrait d'un article publié sur le site du "Centre Natioale de la Danse" (http://web.cnd.fr/).
Autrement dit, un traumatisme qui s'est produit il y a très longtemps peut parfaitement rester "inscrit" dans la structure du corps. Les ostéopathes parlent de la "mémoire du corps". Le traumatisme se matérialise sous la forme de contractures. Et c'est le cercle vicieux : une contracture en entraîne une autre, et ainsi de suite. La structure mécanique se raidit petit à petit. Et le pire dans l'histoire, c'est que l'individu s'habitue peu à peu à ces contractures.
Le cercle vicieux se resserre très lentement de sorte que l'individu n'en a pas conscience. La vie sédentaire n'arrange pas les choses. La position assise, l'utilisation abusive de la voiture,... sont autant de mauvaises habitudes liées à nos modes de vie modernes.
À cela, il faut ajouter des "compensations" d'ordre psychologiques. Certains évènements traumatisants peuvent entraîner des mécanismes de compensation qui s'expriment dans le comportement général de l'individu. Typiquement, un manque de confiance en soi lié, par exemple, à un environnement familial perturbé, peut se traduire dans la façon dont l'individu s'exprime. Nous parlons ici d'expression verbale (hésitations, tics, manie de "noyer le poisson", ...) aussi bien d'expression corporelle. La peur de ne pas être en mesure de réussir un pivot se traduit par une crispation nuisible. L'ironie dans cet exemple, c'est que l'individu manque son pivot à cause seulement de la peur de manquer. La réalisation de l'échec contribue un peu plus à renforcer la croyance en l'échec.
Bref, les phénomènes de compensations touchent aussi bien le système de commande (le psychique) que le système moteur (la structure musculo-squelettique).
Un système de commande défectueux entraîne un défaut de coordination motrice. Un système moteur défectueux ne fait qu'aggraver le problème. La structure ayant perdu sa souplesse, certains mouvements sont plus difficiles, voire douloureux.
Divers traumatismes, tant physiques que psychologiques, ont façonné son corps et son esprit. L'expression corporelle du danseur est le reflet de son vécu.
Se libérer du connu, ou se débarrasser de la vieille béquille, jadis utile, mais devenu un handicap.
Comme nous venons de le voir, pour surmonter une situation difficile, l'individu met inconsciemment en place une stratégie de défense. Par exemple, l'individu qui doit travailler et faire des études en même temps n'a pas de temps à perdre. Il optimise son temps et s'astreint à une discipline extrêmement rigoureuse. Si l'individu n'a pas une vie équilibrée, il risque de s'enfermer peu à peu dans un "carcan" rigide constitué de règles, d'automatismes, strictes.
Ce carcan permet à l'individu de traverser une étape de sa vie. Mais, une fois cette étape traversée, ce carcan perd son rôle protecteur. Il devient un handicap. Les automatismes rigides acquis ne sont plus adaptés au nouveau contexte. L'individu a perdu sa capacité d'adaptation, sa créativité. Sa vraie personnalité est enfouie sous un tas d'artéfacts, vestiges toujours actifs d'une période révolue.
Ce carcan s'exprime dans la démarche du danseur. La démarche est mécanique, raide. Le manque de souplesse s'accompagne d'un manque d'originalité et de créativité.
Conseil de lecture : "Se libérer du connu" de Jiddu KRISHNAMURTI.
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